La Serbie commémore la mort du patriarche Pavle

Le 15 novembre 2017 marque le 8e anniversaire du décès du patriarche Pavle de Serbie. Cette année encore, les Serbes continuent de commémorer avec ferveur la mémoire de celui qui fut le chef spirituel de l’Église orthodoxe serbe pendant près de vingt ans et le premier défenseur des Serbes du Kosovo.

Tens of thousands of people line the streets of Belgrade on November 19, 2009 to bid farewell to late Serbian Orthodox Patriarch Pavle, who led his flock during the fall of communism and the Balkan wars. Police estimated around 600,000 people joined the funeral services at the St Sava cathedral. Many of the mourners came from other Serbian towns, but also from neighboring Montenegro and the Serb-run part of Bosnia. AFP PHOTO / ANDREJ ISAKOVIC (Photo credit should read ANDREJ ISAKOVIC/AFP/Getty Images)

Un hommage inédit : une célébration dans la ferveur et le recueillement

C’était il y a huit ans. Le 44e patriarche de Serbie s’éteignait à l’âge de 95 ans à l’hôpital militaire de Belgrade. Avec lui disparaissait la figure la plus charismatique de l’église orthodoxe serbe. Près d’un demi-million de fidèles s’étaient recueillis sur sa dépouille mortelle, exposée durant trois jours en la cathédrale de Belgrade en face du siège de la patriarchie. Nuit et jour, une foule d’anonymes n’a cessé de se presser devant les portes de l’Église de l’Union pour aller s’incliner devant le corps du patriarche, bravant parfois jusqu’à huit heures de file d’attente.

Le jour des funérailles, un fleuve immense de 600 000 fidèles s’est écoulé dans les rues de la capitale pour accompagner le cortège funéraire vers la cathédrale Saint-Sava. Un afflux exceptionnel pour un pays qui compte 7,5 millions d’âmes. Les entreprises avaient été invitées par les autorités serbes à accorder une journée de congés payés à leur personnel pour qu’ils puissent assister à la cérémonie. Les écoles se sont vues recommander aussi de fermer leurs portes. Un deuil national de trois jours avait été décrété.

Vénéré comme un saint de son vivant

La disparition du patriarche Pavle fut une épreuve douloureuse pour le peuple serbe pour qui l’Église représente l’institution en laquelle il a le plus confiance. Le président serbe de l’époque, Boris Tadic, avait même qualifié son décès de perte immense pour la Serbie. « Certaines personnes ont la faculté d’unir toute une nation, et Pavle était de celles-là », avait-il déclaré.

Particulièrement apprécié pour son ascétisme, sa Sainteté n’utilisait jamais les services du voiturier de l’Église pour se déplacer, lui préférant les transports en commun ou la marche à pied. Ce qui lui valut d’ailleurs le surnom du « Saint qui marche ». De la même manière, il refusait la nuitée à l’hôtel lorsqu’il voyageait à l’étranger et se contentait de la sobriété du gîte et du couvert offerts par les fidèles. Le patriarche Pavle vivait humblement, sans affectation aucune.

Il était aussi théologien, spécialiste de la liturgie byzantine, traducteur de la première Bible en serbe en 1984. Dans un pays marqué par le communisme après la seconde Guerre mondiale, le patriarche avait réussi à faire introduire les programmes de religion dans les écoles publiques.

Premier défenseur des Serbes du Kosovo

Le patriarche Pavle, de son nom de baptême Gojko Stojcevic, est né le 11 septembre 1914 à Kucanci, petit village de Slavonie, alors austro-hongrois et aujourd’hui croate. Après des études au lycée de Belgrade, dans le tout jeune royaume de Yougoslavie, ce jeune Serbe rejoint le séminaire à Sarajevo, puis la faculté de théologie orthodoxe de Belgrade en 1940. Entré en 1944 au monastère de Raca (ouest de la Serbie), il y prononce ses vœux en 1948, prenant le nom de Paul en référence à l’Apôtre dont il cite souvent les textes.

En 1950, il part enseigner au séminaire de Prizren, avant d’être ordonné prêtre en 1954 et d’aller compléter sa formation théologique à Athènes. En 1957, il est ordonné évêque de Raska et Prizren, diocèse qui couvre l’actuel Kosovo, où il passera plus de trente ans. C’est sur la situation de cette province que le patriarche Pavle aura eu à souffrir. 

Rappelant l’importance spirituelle de cette région pour son Église, il tenta de sensibiliser la communauté internationale en dénonçant dès les années 70 les exactions des extrémistes albanais dont sont déjà régulièrement victimes églises et monastères orthodoxes de cette région. Il ne cessera jamais non plus d’appeler les Serbes à demeurer au Kosovo. Au plus fort des événements, il ira même s’installer un temps à Pec, siège historique du Patriarcat. En réaction à ces déclarations, il est attaqué au Kosovo en sortant du bus par une bande de jeunes Albanais. Le frêle évêque est roué de coups et laissé inerte au sol. Il sortira de l’hôpital trois mois après l’agression. Par « charité chrétienne », il refusera de porter plainte.

« Il est indigne de chercher à défendre son droit contre les malfaiteurs, hommes ou peuples, par les mêmes moyens qu’eux. Il n’est pas d’intérêt national, familial, personnel qui puisse nous donner le droit de répondre au crime par le crime. Nous avons appris de nos ancêtres qu’il vaut mieux perdre la vie que pécher contre son âme. Et lorsque ce dilemme s’est posé, notre peuple a toujours sauvé son âme. Voilà quel peuple nous fûmes et tel qu’il nous faut être à nouveau. Cela ne sera pas à notre honneur, ni en tant que chrétiens, ni en tant que descendants de nos aïeux, de faire le mal et d’en attendre le bien car le mal n’engendre pas le bien, ni au Kosovo, ni ailleurs. »

Huit ans après sa mort, le patriarche Pavle demeure dans les cœurs des Serbes et ses paroles fortes sont plus que jamais actuelles.
 

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