Compte rendu de la mission de Noël

Nous traversons de nuit la Serbie, descendant vers le sud par les petites routes cheminant à travers les villes et villages.

Ce trajet de Belgrade à la frontière du Kosovo pendant les célébrations de Noël nous offre une photographie instantanée de la vigueur des traditions et de la Foi orthodoxe de ce pays. Les familles se pressent dans les églises et les monastères, on fait la queue à l’entrée comme à l’ouverture des soldes dans les pays occidentaux ! Des feux sont allumés dans les cours entourant les églises et les croyants viennent s’y réchauffer. Des arches tressées de branchage ornent l’entrée des maisons et nous ne croisons pas une voiture sur laquelle une branche morte ne soit accrochée. On ne sait plus très bien si l’on célèbre la naissance du Christ ou le retour du soleil, ou plutôt il semble que pour les Serbes les deux se confondent.

Nous arrivons en début de soirée au poste-frontière du Kosovo-Metohija, près de Raska. C’est ici que nos contacts serbes nous attendent. Nous faisons donc connaissance avec A., un colosse âgé d’une trentaine d’années et parlant couramment anglais, et Y., un peu plus vieux que son camarade mais plus facétieux aussi. Pendant notre court séjour dans la ville martyr de Kosovska-Mitrovica ils seront nos guides. Leur présence facilite notre passage au checkpoint tenu par la police serbe et nous ne rencontrons pas non plus d’ennuis avec les douaniers de l’UNMIK (United Nations Mission In Kosovo). 
Nous suivons ensuite la voiture de nos nouveaux compagnons pendant près d’une heure. Il ne s’agirait en effet pas de se perdre par ici, nous traversons plusieurs zones contrôlées par les Albanais. D’ailleurs, quand ils s’ennuient les Albanais canardent les voitures serbes qui empruntent cette route. Il y a quelques semaines c’est un policier de l’UNMIK, un Italien je crois, qui a été tué sur cette route, victime d’une méprise manifestement.

Arrivés dans Mitrovica, A. et Y. nous accompagnent jusqu’à un petit hôtel appartenant à leurs camarades. Nous fixons l’heure du rendez-vous le lendemain matin avant qu’ils partent rejoindre leurs familles respectives et fêter la nativité avec eux. En découvrant notre chambre, nous ne pouvons qu’esquisser un large sourire en voyant la douche. Après trois jours de voyage à travers l’Europe, nous en rêvions un peu ! La réjouissance sera de courte durée, nous avions oublié un peu vite que l’eau se trouve sous contrôle albanais… Il en est d’ailleurs de même pour la centrale électrique et ainsi la partie serbe de Mitrovica se trouve-t-elle privée d’électricité plusieurs heures par jour.

Malgré la fatigue du voyage, le sommeil n’est pas au rendez-vous et nous décidons donc de partir à la découverte de Mitrovica.

Mitro by night, Mitro by night

Notre sortie nocturne est tout d’abord dotée d’une bande-son originale. En effet, les rafales de fusils mitrailleurs ou les tirs de pistolets ne nous quitteront pas de la nuit. Difficile de savoir si il s’agit de Serbes exprimant leur joie ou de musulmans cherchant à troubler la quiétude de cette nuit. Quoi qu’il en soit, cela confère à notre promenade une ambiance toute particulière.

Il n’est pas très tard, 21 ou 22 heures, mais pourtant toute la ville est endormie. Chacun est chez soi, parmi les siens. Nous ne croiserons dans les rues que les hommes de l’UNMIK patrouillant en voiture ou les soldats de la KFOR.

La ville est endormie, mais nous découvrons à travers les boutiques que Mitrovica n’est pas une ville morte. Des pizzerias, des boutiques de vêtements, le local d’un club de foot ; oui, Mitro veut vivre.

En descendant la rue principale de la ville, nous nous dirigeons vers le pont. Pour nous ce pont a valeur de symbole. La rivière Ibar forme désormais une frontière naturelle entre Mitrovica nord, où se sont réfugiés 20 000 Serbes, et la partie sud peuplée par 80 000 musulmans. En voyant le pont, les images des émeutes de mars dernier nous reviennent en mémoire. Les Albanais avaient alors tenté de franchir le pont pour pénétrer dans la partie serbe. Les troupes françaises de la KFOR, stationnées sur le pont, avaient repoussé les émeutiers, non sans essuyer plusieurs tirs de snipers situés dans les immeubles jouxtant le pont côté musulman.

Tout naturellement nous engageons la conversation avec les deux bidasses en poste à l’entrée du pont. « Vous êtes ici en vacances ? » nous demande l’un d’eu

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