Compte rendu de la mission sécurité de février 2008

DE LA SECURITE POUR LES SERBES DU KOSOVO

Jeudi 21 février

Après un départ aux aurores, nouss atterrissons à Belgrade à 11h00. Nous voici donc dans la capitale de la Serbie quelques heures avant l’une des plus grosses manifestations que la Serbie ait connue ces dernières années. La plupart des magasins sont fermés afin de permettre aux travailleurs d’aller à ce grand rassemblement. Nous avons évidemment pour objectif de nous y rendre et de déployer avec conviction notre bannière « Francuzi za srpki Kosmet » (« Les Français pour le Kosovo et la Métochie serbe ») ornée du drapeau français d’un côté et du drapeau serbe de l’autre.

Nous voulons témoigner que le peuple de France n’abandonne pas ses alliés serbes. Nous voulons témoigner de la vieille amitié qui unissait autrefois nos deux peuples comme Russie et Serbie sont unies actuellement. Nous ne sommes que deux Français mais nous en représentons des milliers d’autres. Nous représentons tous ces Français qui n’oublient pas l’histoire du Kosovo (de la conquête ottomane à l’intervention américaine), nous représentons les Français pour qui le mot fidélité a encore un sens aujourd’hui.


16h00 : nous voici en plein cœur du rassemblement devant le parlement serbe. Nous voyons défiler à la tribune les personnalités politiques de Serbie qui enflamment la foule avec des discours justes et des voix remplies d’émotion. Aux slogans de la foule se succèdent des chants patriotiques que tout le monde reprend en cœur. Nous sommes entourés d’enfants, de grand-pères et grand-mères, d’hommes et de femmes : en ce jour c’est toute la Serbie qui est dans la rue. Jamais nous n’avons vu une telle unité se dégager au sein d’un peuple. Cette pensée sera confirmée par un vieux monsieur serbe qui nous dira : « c’est la première fois de ma vie que je vois les Serbes autant soudés entre eux ». L’unité est sans doute la meilleure réponse à apporter à cette tragédie. La foule aura particulièrement apprécié la prise de parole filmée du joueur de tennis Novak Djokovic (originaire de Zvecan au Kosovo) et du cinéaste Emir Kusturica. Ce rassemblement témoigne que tous les Serbes se sentent concernés par le problème du Kosovo : du travailleur à l’homme politique en passant par le sportif de haut niveau, c’est tout un peuple qui crie son refus de céder le cœur de sa nation !

Une fois ce rassemblement terminé tout le monde prend la direction de la basilique Sainte Sava (le plus gros édifice orthodoxe des Balkans) pour un recueillement. Prières et chants religieux sont lancés en souvenir des Serbes tués par les Albanais ces années passées. Le rassemblement se termine. Il est bientôt 23h00 et nous allons dormir chez une famille serbe. Le lendemain une grosse journée nous attend.

Vendredi 22 février

Nous louons une voiture immatriculée BG (Beograd) et nous prenons la direction du Kosovo. Le trajet long de 5 h30 pour rejoindre la frontière se passe sans incident et nous arrivons de nuit au poste de frontière serbe qui borde le Kosovo. Nous avons croisé sur notre route plusieurs cars qui venaient d’être refoulés à la frontière par la Minuk.

Nous arrivons finalement à Kosovska Mitrovica sans encombre après un très long et périlleux contournement. Là -bas nous attendent les représentants de divers zones serbes ainsi qu’un représentant officiel de la commune de Kosovska Mitrovica. Nous remettons le matériel en mains propres à ces personnes pleines de courage qui ont fait le choix de rester vivre sur la terre de leurs ancêtres, malgré les risques encourus.

Nous connaissons ces Serbes depuis maintenant 4 ans. La confiance réciproque qui s’est installée au fur et à mesure de nos actions en faveur du KosMet serbe ont permis de réaliser en ce vendredi quelque chose qui n’avait jamais été fait auparavant. Nous avons sélectionné pour 7 000 € de matériel de télécommunication professionnel (adapté aux besoins des habitants serbes du Kosovo-Métochie). La spécificité et la qualité de ces appareils pourront protéger, au moment où cela sera nécessaire, les populations serbes du Kosovo-Métochie. Il ne faut pas de défaillance, il ne faut pas de panne et il est impératif que la distance de communication soit importante pour permettre de relier les habitants entre eux.

La joie se lit véritablement sur les visages. Ces personnes nous remercient et nous font des accolades aussi longues que durent nos verres de Chlivovitsa (spécialité locale…) et c’est dans une ambiance fraternelle que tout le monde se quitte.

Nous sommes hébergés une fois de plus chez l’habitant et nous apprécions l’hospitalité de ces familles.

Samedi 23 février

Une manifestation est prévue à 12h44 (en référence à la résolution 1244 de l’ONU qui reconnaît la souveraineté de la Serbie sur Kosovo) à Kosovska Mitrovica . Tous les jours depuis l’indépendance du Kosovo, les étudiants de cette ville manifestent pacifiquement à proximité du pont (gardé par des forces de maintien de l’ordre très équipées) qui sépare la partie albanaise de la partie serbe. Nous prenons part à la manifestation, nous ouvrons même la marche avec la bannière de Solidarité Kosovo ! Nous attirons rapidement l’attention des médias présents et nous sommes interviewés par les télévisions russe, grecque et serbe. Il y a environs 5 000 étudiants ce jour là, les discours et les chants se succèdent. De nombreuses personnes nous serrent la main, nous photographient et l’on entend même un homme dire à sa femme « tu vois les Français ne nous lâchent pas ! ». Même si nous ne représentons pas la majorité de la population française, cette phrase nous touche profondément et nous renforce dans nos convictions, s’il le fallait encore.

La manifestation terminée nous décidons de passer en partie albanaise afin de nous rendre dans le camp retranché de la Kfor française.pour interviewer le commandant de Fayet (responsable de la communication de la Kfor française pour le nord du Kosovo) .

Le soir arrive, nous allons dîner avec nos amis serbes dans un restaurant traditionnel. Nous ne nous attardons pas cette fois-ci sur la Chlivovitsa, malgré l’insistance de nos amis (une pensée à Ilija…) car la route nous attend. Notre vol nous attend à Belgrade à 6h du matin…

Dimanche 24 février

Un check point de la Kfor franchi, plusieurs heures de voiture, un survol des Balkans en avion et nous atterrissons enfin en France. Retour à une autre réalité, à un « autre » monde. Nous repensons à ce que nous avons accompli en seulement 4 jours. Cette mission différente des missions traditionnelles de notre association aura été une grande réussite. En terme de communication, nous avons lancé un appel qui a été repris par un nombre important de sites, de radios, de mouvements, il a pu être traduit et diffuser dans beaucoup d’autres pays.

Cette mission aura surtout été une grande réussite par son caractère exceptionnel et unique. C’est la première fois qu’une association apporte une aide de ce type aux familles serbes du Kosovo, c’est la première fois depuis bien longtemps qu’une mobilisation générale se fait pour aider un peuple européen en détresse. Nous avons donné des outils de communication de très haute qualité permettant à des zones serbes de rester en contact entre elles en permanence en fournissant pour 7 000 euros de matériel de télécommunication. Ces appareils sauveront peut être des vies ou des villages.

Mais cette mission n’a été possible que par la forte mobilisation d’un très grand nombre de personnes. Sans elles nous n’aurions pu acheter autant de matériel aussi rapidement. Notre réseau a fait la preuve de sa réactivité et de sa générosité. Nombreux sont ceux en effet qui se sont sentis impliqués par les événements du Kosovo et qui ont témoigné de leur soutien par un don, un mot (si nombreux que nous ne pouvons répondre à tous), en faisant passer l’information parmi leurs proches, créant ainsi spontanément un véritable réseau.

A toutes ces personnes nous disons merci ! Merci de la confiance que vous portez à l’association « Solidarité Kosovo » et merci de votre soutien au nom des familles serbes du Kosovo et de la Métochie !

Hélas il y a encore beaucoup de travail à faire pour venir en aide aux Serbes et pour faire connaître leur sort. Nous vous tiendrons au courant très prochainement de nos prochaines actions.

Vive la solidarité !

Arnaud Gouillon

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