Coup de projecteur sur Solidarité Kosovo dans le journal La Nef

Dans son édition du mois d’octobre, le mensuel catholique de référence consacre un dossier spécial à la Serbie. 

Tiraillée entre son amitié séculaire avec la Russie et ses ambitions européennes, la Serbie de Tomislav Nikolić se livre à un subtil jeu d’équilibriste entre ces deux protagonistes que la crise en Crimée a frontalement opposé. 

La double page d’investigation établit un point de situation avant de préciser les enjeux et les perspectives de cet État-clé du Sud-est européen. Quinze ans après avoir été mis au ban de l’Europe, la Serbie rejoint à petits pas les rangs dans la communauté internationale sans toutefois se remettre du traumatisme du Kosovo arraché en 1999.

Depuis lors les Serbes subissent le martyre dans cette province du Kosovo-Métochie, berceau de leur nation. Victimes de persécutions antichrétiennes, les Serbes du Kosovo ne peuvent compter que sur l’aide d’une poignée d’associations humanitaires au premier rang desquelles l’ONG française Solidarité Kosovo.

Découvrez le dossier exclusif de La Nef dédié à la Serbie ainsi que le coup de projecteur porté sur l’activité humanitaire Solidarité Kosovo en cliquant ici afin de consulter le document sous format pdf dont vous trouverez l’integralité du texte ci-dessous.

Où en est la Serbie?

Après avoir été mise au ban de l’Europe, la Serbie se rapproche de l’Union européenne sans renier son amitié ancestrale avec la Russie, tandis que le Kosovo, où les Serbes sont durement persécutés s’enfonce dans la criminalité organisée.
Panorama de la situation par Ivana Gajic


La Serbie est devenue un immense chantier. Depuis la fin des inondations qui avaient frappé le pays de plein fouet en mai dernier provoquant la mort de 51 personnes, civils et professionnels serbes se sont réunis sur le terrain pour faire face à l’épreuve de la reconstruction. Selon la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), les intempéries ont causé deux milliards d’euros de dégâts dont le quart sera couvert par l’aide internationale, le reste étant à la charge des citoyens. Une énième tasse à boire pour les sept millions de Serbes qui pour un million d’entre eux ont déjà été durement sinistrés. 

Si les eaux se sont retirées des terres balkaniques, elles se sont en revanche maintenues sur la scène diplomatique serbe. Prises dans les remouds de la crise ukrainienne, les autorités officielles de Belgrade se livrent à une nage entre deux eaux. Car la question de la Crimée a fait des vagues en Serbie en faisant remonter à la surface le précédent du Kosovo ainsi que ses relations bilatérales avec la Russie à l’épreuve de ses ambitions européennes et des pressions qui en découlent. 
Il semblerait qu’en réalité, aidée par son allié russe, la Serbie mène avec agilité une politique de relance économique tout en se créant une nouvelle position stratégique dans la région, quinze ans après la guerre du Kosovo qui l’avait mise au ban de l’Europe.

La Serbie entre le marteau russe et l’enclume de l’UE ?

Depuis l’éclatement de la crise ukrainienne en novembre 2013, la diplomatie serbe se livre à un subtil jeu d’équilibriste entre l’Union européenne, avec qui les négociations d’adhésion ont été ouvertes en janvier dernier et la Russie, dont elle n’entend pas s’aliéner le traditionnel soutien. « Il est hors de question d’imposer des sanctions à la Russie. Nous ne voulons pas changer nos rapports avec l’UE et la Russie. Nous ne voulons pas choisir. Nous voulons rester en dehors du conflit qui les oppose.», a déclaré récemment le président serbe Tomislav Nikolic, résumant les sentiments de toute une nation, majoritairement russophile. Au-delà de l’embarra de circonstances, il se profile à Belgrade une double stratégie envers l’UE et la Russie, finement menée.

Car les relations bilatérales russo-serbes ne se limitent pas à une amitié fraternelle séculaire, elles s’alimentent aussi d’investissements industriels et de projets stratégiques. Au premier rang desquelles, le projet de construction du gazoduc « South Stream » porté par les sociétés russe Gazprom et italienne ENI. 
« South Stream  est un projet d’intérêt national » affirme Ivica Dacic, ministre des affaires étrangères de Serbie. Pour son  homologue russe, cette déclaration vient à point nommé puisqu’au même moment la Bulgarie voisine venait de décider de « geler » la construction du gazoduc à la suite de pressions de l’UE.
Il faut dire que la Serbie a tout intérêt à voir le projet énergétique se concrétiser. Avec un tronçon de gazoduc de plus de 400km prévu sur son territoire, la Serbie renforce sa sécurité énergétique jusqu’alors tributaire d’un seul circuit de livraison qui achemine le gaz par l’Ukraine. 
Sur le plan économique, les intérêts du projet sont également majeurs car il faut ajouter aux revenus issus du paiement du droit de passage du gazoduc sur son territoire, la création de milliers d’emplois qui en découleront. 
D’un point de vue politique, avec le projet South Stream, la Serbie compte dissiper les tentations autonomistes de la Voïvodine, la province autonome située au nord du pays, en accroissant la prospérité de la région où se trouvera le réservoir de Banatski Dvor.

La Serbie s’inscrit donc dans une politique globale de redressement dont l’énergie sera le principal moteur tout en se façonnant une place de partenaire-clé dans la région.
Aussi, sous des airs de ballets diplomatiques hésitants et maladroits, la Serbie mène une double stratégie bien rodée envers ses partenaires européens et russes. Elle affiche même publiquement qu’une étroite collaboration avec la Russie n’entre pas en contradiction avec ses projets d’adhésion à l’UE. « La Serbie aspire adhérer à l’UE. Tel est notre intérêt national et d’Etat, mais cela ne se fera aucunement contre la Russie ni au détriment de la Russie.» résumait le ministre serbe des Affaires étrangères. 

« La Serbie est l’un des rares Etats européens à avoir conservé des relations amicales avec Moscou depuis le début de la crise ukrainienne», écrivait dans ses pages de juin le quotidien russe Kommersant. 
Hasard curieux : il y a tout juste quinze ans, c’était la Serbie que la crise du Kosovo enfermait dans un isolement diplomatique. Belgrade ne comptait alors que quelques rares alliés dont le plus ostentatoire d’entre eux… la Russie. A l’époque, alors que le Kosovo,  déclarait son indépendance sur le principe du « droit à l’autodétermination des peuples », Vladimir Poutine s’adressait à l’Occident en ces mots : « C’est un précédent dangereux. Un jour, cela vous reviendra dans la gueule. » En 2014, nous y sommes. L’affaire de la Crimée incarne « l’effet boomerang » annoncé.  

D’un Kosovo à l’autre : la cas de la Crimée

A quinze ans d’intervalle, les mêmes facteurs pourraient produire les mêmes effets.
Le Kosovo est une province historiquement serbe administrée depuis 1999 par les Nations Unies et qui est peuplée majoritairement par  des Albanais. Parmi ses 2 millions d’habitants, 90% sont Albanais musulmans et seulement 10% sont Serbes orthodoxes alors qu’autrefois, les chrétiens y étaient majoritaires. En moins d’un siècle, le Kosovo a connu un renversement démographique qui deviendra le point d’appui des revendications séparatistes albanaises. Si bien que le 17 février 2008, les Albanais du Kosovo proclament l’indépendance du territoire. Belgrade qui refuse de reconnaître le nouveau statut autoproclamé de sa province s’expose aux sanctions des pays parrains d’un Kosovo indépendant parmi lesquels les Etats-Unis, l’Allemagne et la France. Les mêmes qui le 24 mars 1999 avaient bombardé la Serbie  durant 78  jours par le bras armé de l’OTAN provoquant la mort de 4.000 personnes et 10.000 blessés dont les deux tiers étaient des civils. En guise du dernier coup de vis donné au volet juridique, la Cour internationale de justice déclare dans son arrêté du 22 juillet 2010, l’indépendance du Kosovo en conformité avec le droit international.

C’est justement ce même arrêt que Vladimir Poutine agite aujourd’hui pour défendre la sécession de la Crimée. La Crimée, province autonome d’Ukraine, réclame son indépendance appuyée par Moscou à l’instar du Kosovo parrainé par l’OTAN et certains pays de l’UE. Si la logique veut qu’une majorité, en un lieu, décide l’indépendance de son territoire, de manière unilatérale alors le droit à l’autodétermination devrait être accordé aux 2 millions de Russes en Crimée comme il avait été accordé aux 2 millions d’Albanais du Kosovo. A moins que les droits soient à géométrie variable toujours distribués selon certains intérêts ? Car les Bernard Kouchner d’hier, militants pour un Kosovo indépendant sont devenus les Bernard-Henri Lévy d’aujourd’hui, fervents soutiens du nouveau pouvoir ukrainien contre la Russie, illustrant à eux seuls l’aberration politique française en matière d’Affaires étrangères.

Mais il est vrai que le parallèle entre ces deux territoires connait des limites car si la  Crimée a été conquise au XVIIIe siècle aux Tatars musulmans, elle n’en est pas pour autant le berceau de la nation russe. Autant que le Kosovo peut l’être pour la Serbie. Car c’est sur ce petit territoire ingrat des Balkans qu’est né le premier état serbe. C’est précisément là où Saint-Sava y fonda l’Eglise orthodoxe serbe au XIIIe siècle et où quelques années plus tard, les Serbes se posèrent en bouclier humain de l’Europe chrétienne, vaincus par l’armée ottomane sur le champ de Kosovo Polje en 1389. L’équivalent d’un« Poitiers » serbe, ici perdu. Réduit à un lyrisme dépassé, le plaidoyer pour un Kosovo serbe n’est plus entendu. 
C’est ainsi qu’autrefois, sur ce territoire du Kosovo-Métochie dont l’origine grecque  « métohia/on » désigne « la terre aux Églises », la densité d’Églises était la plus forte en Europe. Autrefois, c’était avant les pogroms antichrétiens de 2004. Au cours desquels pour la seule journée du 17 mars 2004, 19 personnes ont été tuées, 5 000 foyers chrétiens ont été chassés et 34 Églises ont été détruites. Mais ces pogroms ne sont pas des faits isolés puisqu’ils s’inscrivent dans une démarche de destruction systématique du patrimoine chrétien séculaire. Depuis quinze ans, 150 monastères ont été dynamités au Kosovo-Métochie. 

Le Kosovo a été de facto atrophié à la Serbie. Si son fidèle allié russe n’a pas réussi à lui préserver ses racines, il est fort probable qu’il soit en revanche d’un appui décisif dans son redressement régional grâce au prochain investissement énergique que Moscou prévoit d’opérer dans les Balkans. Au moyen du gazoduc South Stream, les autorités serbes ambitionnent d’apporter un nouveau souffle à l’économie serbe en lui garantissant par ailleurs une position centrale sur l’échiquier régional.
Des perspectives certes réjouissantes mais qui ne consoleront pas la Serbie d’assister dans la plus grande impuissance à l’épuration des chrétiens du Kosovo.
Plaque-tournante du trafic de stupéfiants, d’armes et de traite de femmes en Europe, le Kosovo accumule de tristes records en matière de criminalité organisé, de corruption et de persécutions antichrétiennes. C’est là toute la tragédie du Kosovo : au rayonnement chrétien d’autrefois s’est abattue la pénombre du martyr.
En 2014, le Kosovo constitue le seul territoire en Europe où les chrétiens sont menacés. Son indépendance a été reconnue par 104 pays sur les 193 que compte l’ONU. 
 

Médaillon: L’ONG Solidarité Kosovo au secours des familles chrétiennes persécutées


Au Kosovo, les chrétiens ne sont plus que 120.000 face à une majorité musulmane écrasante dont l’hostilité les a condamnés à un ostracisme forcé. Regroupées dans des « enclaves », ces villages cernés de fils barbelés, les familles serbes vivent dans un dénuement total. Citoyens de seconde zone, les Serbes subissent une véritable ségrégation : ils sont sans emploi, placés hors du système de soins, interdits de transports publics, avec un espace de vie limité. Depuis ces prisons à ciel ouvert, les chrétiens se disent vulnérables et angoissés par les persécutions qu’ils subissent à répétition. Si les actes de violence antichrétienne n’ont pas altéré la foi des Serbes du Kosovo restée intacte, les îlots chrétiens qu’ils constituent s’engouffrent en revanche dans une situation humanitaire dramatique.
C’est de cette urgence qu’est née Solidarité Kosovo en 2004. Emportée par l’élan de solidarité d’une poignée de jeunes français, cette association française est devenue en dix ans de travail inlassable, un acteur humanitaire incontournable d’aide aux chrétiens du Kosovo. 

L’actualité brûlante au Kosovo en 2014 a conduit l’ONG française à s’engager dans un chantier humanitaire d’envergure dont l’objectif est le protéger le monastère de Visoki Dečani des menaces d’extrémistes (quatre attaques à la grenade sur ces dix dernières années). Solidarité Kosovo construit une haute muraille surmontée de barbelés, qui aura pour objectif de sécuriser l’enceinte du monastère et de protéger les trente moines qui y vivent. 
Nous invitons tous les lecteurs qui le souhaitent apposer une pierre à cet « anneau de protection » en effectuant un don :
– Par chèque : en libellant l’ordre à Solidarité Kosovo puis en l’envoyant à : Solidarité Kosovo – BP 1777 – 38220 Vizille – France ;
Solidarité Kosovo étant reconnue d’intérêt général, chaque don ouvre droit à une déduction d’impôt correspondant à 66% du montant du don.  www.solidarite-kosovo.org
 

La Nef, n°263, pp. 10-13, Octobre 2014.

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