Des nouvelles des enclaves !

Nous sommes arrivés au Kosovo il y a maintenant trois jours et un résumé des ces dernières 48h s’avère compliqué, puisque nous avons l’étrange impression  d’avoir plus vécu en 2 jours ici, qu’une semaine en France.

Hier, les enclaves se sont succédées, Banja, Suvo Grlo, Crkolez, Gorazdevac, Oraovac, Velika Hoca.  Nous y avons distribué,  grâce aux camions pleins remplis par vos dons au départ de France, des jouets, des fournitures scolaires, du matériel de sport et des vêtements neufs. Les enfants crient de joie, les sourires se forment sur des visages marqués par une vie menée durement.

Dans deux enclaves, nous avons pris un peu de notre temps précieux pour discuter avec les responsables et ainsi prendre conscience de la difficile réalité quotidienne des Serbes du Kosovo.

Ce fut le cas à l’école de Gorzadevac, où après avoir donné  des jouets  à 50 enfants, nous avons fait le point avec le directeur de l’école sur les besoins de son enclave. Leur difficulté principale est d’ordre économique.  En effet, dans les enclaves les Serbes vivent des aides sociales, ce qui, selon leurs propres aveux, pourrait laisser croire à un statut de « parasites ». Bien au contraire, ce système social leur permet seulement de survivre difficilement. Le  cœur du problème se trouve dans le  fait que les Albanais empêchent les Serbes des enclaves de vendre leurs productions sur les marchés. Dès lors les enclaves ne vendent rien, n’ont que très peu de perspective d’avenir et se contentent d’autosuffisance. Les jeunes générations quittent  logiquement les enclaves pour trouver du travail où il y en a,  ce qui à terme, conduit irrémédiablement à la disparition du peuple Serbe dans la région du Kosovo Métochie.

A Orahovac le pope nous a fait visiter son enclave afin de nous présenter l’histoire du lieu. Durant la ballade, il s’arrêta net. Nous arrivions à la limite avec la partie Albanaise qu’il ne peut franchir sans être provoqué, caillassé, agressé.  En continuant seuls un peu plus bas, nous sommes tombés nez à nez avec un paysage tragique : cinq mosquées se succèdent dans le reste de la ville situées sous nos yeux. Il faut dire que la ville possède une particularité, identique à Kosovska Mitrovica : celle d’être coupée en deux, non par un pont mais par un véritable no man’s land. Les maisons anciennement serbes sont brûlées, les barbelés sont rangés proprement, attendant à tout moment d’être déployés en cas d’insurrection. Un no man’s land dans lequel être serbe signifie craindre pour sa personne.

De ces jours passés nous en tirons deux leçons forgées  par le vécu. Tout d’abord, notre apport de matériel, pour répondre totalement aux multiples besoins, devrait avoir lieu une fois par mois. Enfin, la plus importante, et la plus profondément ancrée dans l’histoire : la situation des habitants des enclaves serbes ne fait qu’empirer de jours en jours. L’indépendance du Kosovo a été déclarée il y a presque trois ans et les anciens terroristes de l’UCK, qui gouvernent la région, continuent à s’enrichir tandis que la population serbe s’appauvrit de plus en plus par une politique d’isolement généralisée. Aujourd’hui encore, l’électricité a été coupée dans l’enclave de Banja lorsque nous y avons raccompagné notre guide et ami Pajo.

Nous sommes revenus tard et fatigués à Kosovska Mitrovica, mais le courage des familles serbes nous redonne la force de continuer notre mission. Demain nous nous rendrons à Kosovska Kamenica, enclave située à l’Ouest du Kosovo où nous allons rencontrer le professeur du club de judo. Nous allons lui permettre d’avoir un tatami pour que les enfants puissent pratiquer ce sport en toute sécurité.

Marion Chevtzoff, Présidente de Solidarité Kosovo

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