La classe de mer fête ses dix ans !

Comme chaque été depuis dix ans maintenant, quarante-deux enfants des enclaves du Kosovo ont séjourné une semaine dans la magnifique baie de Kotor, au Monténégro. Au programme : baignades, olympiades et sorties culturelles.

Il est cinq heures du matin le samedi 30 juillet quand le père de Vuk le dépose devant l’église de leur village. Il est tôt, mais le petit garçon de dix ans n’est pas fatigué, même s’il a eu bien du mal à s’endormir la veille. Si son excitation est à son comble, c’est parce que le car qui doit le conduire pour la première fois au bord de la mer va bientôt arriver.
Comme quarante-et-un autres enfants, Vuk part en classe de mer avec Solidarité Kosovo. Parce que sa famille est pauvre et qu’il a eu de bonnes notes à l’école cette année, il a été sélectionné pour participer à ce programme de vacances mis en place il y a déjà dix ans pour permettre aux enfants des enclaves de s’évader de leur quotidien à l’ombre des barbelés.

Voir la mer pour la première fois

Dans le bus, il reste encore quelques heures de trajets avant d’arriver au Monténégro, dans la superbe baie de Kotor qui accueille tous les ans la classe de mer. Les paysages défilent au son des rires et des chansons jusqu’à ce que le silence se fasse d’un coup : l’Adriatique apparait soudain à l’horizon !
Enfin, le car se gare près de l’hôtel et les jeunes descendent dans un joyeux désordre qui se calme vite pour écouter les instructions. Les encadrants distribuent à chaque enfant un sac à dos qui contient une serviette de plage, une casquette, une gourde ainsi que quelques vêtements pour que tous puissent savourer les joies de la mer.
On procède ensuite à la répartition des chambres et tout le monde se dépêche de ranger ses affaires, de mettre son maillot de bain et de s’enduire de crème solaire, il est grand temps de découvrir cette grande étendue d’eau salée qui fait rêver les petits comme les plus âgés.

Sur la plage, Vuk n’est pas très rassuré, même un peu intimidé. Il met prudemment un pied dans l’eau, puis le deuxième. La température est agréable et le soleil invite à s’immerger totalement, mais peut-être pas le premier jour, chaque chose en son temps. Un ballon provoque une gerbe d’eau qui l’éclabousse, il s’en saisit et le lance à un autre garçon. Ça y est, les jeux ont commencé et la glace est brisée.

Dès le dimanche matin, on constitue des équipes qui s’affronteront tout au long de la semaine dans de grandes olympiades. Elles mélangent des enfants issus de différentes enclaves qui devront faire connaissance et travailler ensemble pour remporter les défis sportifs, artistiques ou culturels. C’est un gros changement pour ces jeunes qui ne sont pas tellement habitués à rencontrer de nouvelles têtes.
Le programme de la journée s’adapte à la chaleur : le matin, baignade ; après le déjeuner, sieste ; en début d’après-midi des jeux à l’ombre et en fin de journée, retour à la plage pour profiter de la mer une dernière fois avant d’aller dîner.

Défis sportifs

Les épreuves physiques se sont enchaînées tout au long de la semaine : balle au prisonnier, course en relais, parcours d’obstacle, lancer… Vuk est très fier d’avoir permis à son équipe de remporter le relais. Il est peut-être petit, mais il court très vite !
Pour ce qui est de la natation, en revanche, il a encore quelques progrès à faire. Heureusement que ses coéquipiers sont là pour relever le niveau.

Activités créatives

Les jeunes ont également pu faire briller leurs talents artistiques, que ce soit par la peinture et la sculpture, ou encore en mettant en scène de petites pièces ou en interprétant des chansons.

Ces temps plus calmes sont particulièrement adaptés pour supporter au mieux les fortes chaleurs et ne suscitent pas moins d’enthousiasme qu’une course à pied.

Sorties culturelles

Parfois, le programme est chamboulé pour laisser place à des excursions. À Tivat, le musée de la marine et son sous-marin P821 ont accueilli les jeunes moussaillons qui se sont glissés dans la peau de matelots, ont visité leurs étroits quartiers, ont essayé les couchettes et ont scruté l’horizon à travers le périscope. Si l’expérience est amusante et enrichissante, Vuk était quand même bien content de ressortir à l’air libre. Il a, et de loin, préféré l’autre sortie…
Le point d’orgue du séjour est sans conteste la balade en bateau qui offre des vues inoubliables de la baie de Kotor. De tous côtés, le paysage est si beau qu’on ne sait plus où donner de la tête. Au pied des majestueuses montagnes qui plongent dans la mer, les maisons des villages de pêcheurs apportent des couleurs chatoyantes à ce tableau idyllique.
De petites îles parsèment la baie et parfois on entend sonner les cloches des églises construites sur certaines d’entre elles, comme l’île de Miholjska Prevlaka, dite l’île aux fleurs où saint Sava – le père de l’orthodoxie serbe – a fondé un monastère au XIIIe siècle dont il reste aujourd’hui quelques traces.
Le séjour prend donc un tour spirituel avec la visite du monastère de l’Archange-Saint-Michel reconstruit au XVe siècle après qu’il a été détruit par les Vénitiens. Attentifs, les enfants suivent avec intérêt les explications du moine qui les guide.

Une rencontre insolite

Aux abords du monastère, les jeunes ont rencontré la jeune actrice serbe Biljana Cekic, elle aussi en vacances. Elle est connue pour son rôle de Dara de Jasenovac dans le film éponyme. Elle y joue le rôle principal, Dara, une jeune fille qui tente de survivre avec son frère dans un camp de concentration croate réservé aux femmes et aux enfants.
Bien qu’impressionnés, les jeunes ne se sont pas démontés et ils ont longuement discuté elle. Biljana s’est ensuite prêtée de très bonne grâce au jeu des photos, laissant de nouveaux souvenirs inoubliables.
La dernière soirée est à la fois joyeuse et mélancolique. Autour d’un bon dîner traditionnel de la région, on raconte des blagues, on chante des chansons, on essaye de prolonger encore un peu ce moment hors du temps avant de revenir à la dure réalité du quotidien.

Des amitiés solides

Si Vuk est bien triste de remonter dans le bus pour rentrer chez lui, il est heureux de s’être fait plein de copains, une denrée parfois rare dans les enclaves les plus petites.
La classe de mer a une nouvelle fois rempli un des principaux objectifs : donner aux enfants l’opportunité de se rencontrer et de se faire des amis en dehors de leurs villages. Après avoir partagé les mêmes émotions et s’être soudés lors des différentes épreuves des olympiades, ces liens perdureront grâce aux moyens de communication à leur disposition.
Demain, ils sauront qu’ils peuvent compter les uns sur les autres pour affronter l’avenir avec courage et détermination, deux qualités dont les Serbes du Kosovo ne manquent pas.
Comme le rappelle régulièrement Arnaud Gouillon dans la presse serbe, si cela fait plus de dix ans que Solidarité Kosovo peut tirer des enfants de leurs enclaves pour les emmener en vacances à la mer, c’est grâce au soutien indéfectible de ses donateurs. Alors les remerciements de Vuk et de ses amis sont pour eux.


Portrait : De bénéficiaire à animatrice

Il y a quelques années, Sofia est partie pour la première fois en vacances au Monténégro avec Solidarité Kosovo. Depuis, la jeune femme a bien grandi et a choisi de s’investir sur le terrain aux côtés de l’association. En août dernier, elle est devenue animatrice de la classe de mer. Pour cette Serbe, donner est encore plus important que recevoir.


Zoom sur… Arnaud Gouillon retrouve les enfants du Kosovo

Depuis qu’Arnaud Gouillon a été arrêté au poste administratif de Merdare le 10 septembre 2018 alors qu’il venait assister à l’inauguration d’une nouvelle ferme à Novo Brdo, Pristina lui interdit de se rendre au Kosovo. Ce coup dur destiné à mettre un frein aux activités de Solidarité Kosovo n’a fait que renforcer sa détermination tout en développant le bureau humanitaire à Gracanica.
Désormais, le seul moment où Arnaud peut rencontrer les enfants du Kosovo, c’est lors de la classe de mer au Monténégro. Pour les jeunes, c’est une occasion rare de discuter avec le fondateur de l’association et ils en profitent pour lui remettre des mots de remerciements, souvent décorés aux couleurs de la France et de la Serbie, ravivant le souvenir encore vivace de l’amitié entre les deux pays.

Pour Arnaud Gouillon, cette visite – même brève – est riche en émotions : « Depuis qu’on m’a interdit d’entrer au Kosovo, Tivat est le seul endroit où je peux les voir. C’est pourquoi je suis particulièrement heureux d’avoir réussi, même durant vingt-quatre heures, à venir ressentir leur bonheur. Il n’y a pas de meilleure motivation pour continuer notre travail humanitaire ! »

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