Le « Samedi de Lazare », une tradition pascale serbe

Pâques est la plus ancienne et importante fête liturgique chrétienne. Elle célèbre le mystère central de notre foi : la Résurrection du Christ, sa victoire sur la mort. Parmi les célébrations jalonnant la montée vers Pâques, l’une d’entre elles tient une place particulière dans le cœur des Serbes : le « samedi de Lazare ».  Coup de projecteur sur cette tradition dédiée aux enfants qui se déroule la veille du dimanche des Rameaux.

Pâques met les traditions à l’honneur

Les fêtes de Pâques sont empreintes de traditions, certaines ancrées dans la spiritualité, d’autres plus folkloriques ou festives. Si pour certains, c’est un moment de recueillement, pour d’autres, c’est l’occasion parfaite de se retrouver en famille pour partager un repas traditionnel. Les coutumes qui entourent cette fête sont différentes selon les territoires, reflétant des histoires et des symboles uniques.

En Serbie, outre le Carême, Pâques est précédée d’une semaine sainte. A la veille de celle-ci, les Serbes célèbrent avec beaucoup de ferveur le samedi de Lazare qui a pour caractéristique rare de faire référence à la fois à la Bible et à l’histoire médiévale du pays.

La résurrection de Lazare

Le samedi de Lazare évoque la résurrection de Lazare de Béthanie, frère de Marie et de Marthe. Jésus avait fait auprès d’eux l’expérience de l’esprit de famille et de l’amitié. Il était très proche de cette fratrie et les aimait. Ce jour est à la fois le jour de la mort et de la vie. En effet, selon l’évangile de Saint Jean, Lazare mort depuis quatre jours dans un sépulcre, serait sorti vivant de la tombe quand Jésus le lui ordonna. Lazare devint plus tard évêque. Ses reliques miraculeuses reposent dans l’église qui lui est dédiée à Larnaca à Chypre.

L’épisode de sa résurrection révèle combien Jésus fut bouleversé par la mort de son ami et les larmes de ses sœurs. Ce signe accompli auprès d’amis si proches annonce une réalité bien plus grande qui concernera toute la famille humaine : Jésus est ami des hommes et la résurrection est promise à tous.

Le prince serbe Lazar, martyr du Kosovo

Le samedi de Lazare est également associé au prince serbe Lazar mort lors de la bataille de Kosovo Polje en 1389, jurant de défendre le cœur chrétien de la Serbie contre les envahisseurs ottomans. Selon la croyance populaire, deux des sœurs de Lazar auraient tant pleuré la mort de leur frère qu’elles se seraient transformées en coucous. L’imaginaire collectif tant par attachement pour le Kosovo que par respect pour le prince martyr associe majoritairement ces deux éléments historiques au « samedi de Lazare » bien que la référence biblique reste à l’origine de cette fête.

Une journée de fête dédiée aux enfants

Le samedi de Lazare est la fête des enfants et de la joie car selon l’Évangile, le Christ en rentrant dans Jérusalem a dit : « Laissez les enfants venir à moi, car le royaume des cieux est à ceux qui leur ressemblent. » Dans l’iconographie serbe qui traite de la commémoration de l’entrée de Jésus-Christ à Jérusalem, un grand rôle est réservé aux enfants : certains, perchés dans l’arbre, coupent des branches, d’autres étalent des vêtements sur la route devant le Christ et, avec les adultes, vont au-devant de lui portant des palmes. C’est ainsi qu’en Serbie, en d’autres lieux, les palmes ont été remplacé par le saule, symbole de l’immortalité et les clochettes annoncent l’entrée triomphante de Jésus.

Attachante et joyeuse, le samedi de Lazare est une anticipation de la joie pascale et à en croire son assise auprès des Serbes une des fêtes les plus aimées du calendrier orthodoxe.

La couronne et la clochette de Carême

La couronne de Carême est aux Serbes pour Pâques ce que la couronne de l’Avent avec ses quatre bougies est aux Français pour Noël, un incontournable des festivités. Elle est tressée avec des belles et longues feuilles de saule vertes parfois accompagnées de fleurs de saison. « La couronne de l’immortalité », comme l’appelle les orthodoxes, possèderait des ressources divines. Selon la croyance populaire, elle transmet force et vigueur aux petites têtes blondes qui la portent. Et c’est non sans fierté que le « samedi de Lazare » venu, les enfants apprêtés dans leurs habits du dimanche coiffent leurs couronnes de saule. Touche finale de cette tenue festive, un grand collier en ruban rouge-bleu-blanc, en référence aux couleurs tricolores du drapeau serbe, doté d’une petite clochette que les enfants portent autour du cou et agitent allègrement. Fins prêts, il rejoignent un joyeux et pieux cortège qui animent les abords des églises dans l’attente du début de la procession traditionnelle au cours de laquelle les couronnes de saule sont bénies.

En 2025, catholiques et orthodoxes fêtent Pâques le même jour

Pour les catholiques comme pour les orthodoxes, Pâques est le sommet de la vie liturgique. Mais en raison de différences de calculs, elle n’est pas toujours célébrée le même jour et peut différer jusqu’à cinq semaines. Cette année, par une concordance exceptionnelle des calendriers julien (que suit l’eglise serbe orthodoxe) et grégorien (catholique et autres confessions chrétiennes), elle est commémorée le 20 avril en France comme en Kosovo-Metohie comme partout ailleurs en Serbie. Une belle coïncidence pour cette fête mobile qui donne à la salutation pascale « Il est ressuscité ! » un écho au coin de l’Europe, « Il est vraiment ressuscité ! ».

Le saviez-vous ? Le samedi de Lazare était la Slava, la fête du Saint de la famille, des défunts patriarches Pavle et Irinej. Deux personnalités contemporaines très appréciées des Serbes et particulièrement attachées au Kosovo et à la Métochie. Lors de sa dernière allocution à l’occasion du « Samedi de Lazare » , le Patriarche Pavle avait déclaré aux enfants tout autour de lui réunis: « Soyez fidèles, courageux et uniques ! Protégeons notre âme et notre conscience ! C’est ainsi que sera préservée la terre sainte et martyrisée de nos honorables ancêtres. »